Burkina Faso, mars 2016, Laura

Voyage au Burkina Faso en Mars 2016

Séminaire d’études “La médecine est-elle un art ?”
Témoignage de Laura

Première soirée au sport bar. Immergés en plein cœur d’un nouveau continent, on se retrouve après 15 heures de voyage en train de danser dans un lieu on ne peut plus local: Bonne arrivée!!
On a trouvé l’Afrique et on s’est  trouvé nous-même, débarrassés de nos carcans et de nos inhibitions au travers des contacts physiques avec le corps de l’autre, au cours des exercices d’expression  théâtrale et à travers la danse. S’ouvrir aux autres, être centré sur l’autre plutôt que sur soi-même. Le miracle se produit, on ose enfin, libéré  de tout souci  de performance.
L’immersion au cœur d’une nouvelle culture est ici très félicitante car nous sommes loin de nos cadres habituels de bonne conduite ou de bien paraître, nous sommes  très loin de la peur du regard de l’autre car l’autre est ici différent  soit par nature soit parce qu’il a changé.
Expérience  de création  chorégraphique: On joue du corps de l’autre, on le modèle, on le transforme, on lui donne une attitude puis ce faisant, on évolue autour en mobilisant son propre corps en harmonie puis la marionnette elle aussi  s’assouplit et se met en mouvement. De cette manière on a pu découvrir, incrédules, un prémice  de création en danse  contemporaine, tous seuls comme des grands à partir de nos idées  propres.  De même  pour l’invention de figures personnelles puis apprentissage de celles des autres puis enchaînement en groupe  et en musique de toutes les figures de chacun.
Ces expériences  très fortes vont pouvoir avoir des applications dans notre métier:  Observer, comprendre le corps de l’autre puis mobiliser le sien pour l’accompagner au plus près.

Changements
La richesse et la diversité  des  sensations, les stimulations incessantes m’ont fait quelque peu perdre le sommeil, comme si je ne voulais rien perdre de l’avalanche de choses  à regarder, à sentir, à entendre. Sans oublier les contacts physiques  innombrables et chaleureux avec hommes, femmes, enfants  et quelquefois… chèvres
Je  sais  maintenant qu’il existe au monde des endroits qui provoquent des métamorphoses, des révolutions personnelles, des changements en profondeur. On s’enrichit par la découverte de ce peuple, de sa façon d’échanger, de partager, d’entrer en contact, sa façon de croire, sa façon de faire la fête.
La  discipline collective, cette sorte de  sagesse chez les enfants puis chez les  adultes qui m’avait tant émue à Nagreongo s’avère être une constante. Le grand nombre est compensé par une discipline de groupe qui fait que chacun est l’égal de l’autre et fondu dans la masse. C’est  touchant car c’est d’abord l’unité du peuple  qui s’exprime.
La métamorphose, je la relie autant au Burkina qu’au travail des formateurs. Je n’ai  pas  assez de mots pour exprimer les  ressentis au cours des ateliers, en tout cas beaucoup de plaisir et de bonheur.
Ces expériences ont été inédites et n’ont pas de prix pour moi. Elle m’apportent peut-être la possibilité de ne plus fuir comme la peste les jeux de rôle dans  les  formations.
Elles m’apportent l’envie d’expérimenter et de réfléchir à de nouvelles approches de la relation médecin-malade.
Voir travailler les médecins burkinabés m’a redonné envie d’investir la clinique  dans ma façon de travailler.

Un petit conte pour conclure.
Il  était une fois un petit hameau perdu dans la brousse. Dans la  nuit, une expédition s’y rendit pour rencontrer la patronne du lieu. A notre arrivée  dans  le noir, on devine des petites maisonnettes disposées  en cercle. Au centre un grand  feu s’anime au milieu de grosses pierres, un gros chaudron noir repose sur les pierres, à l’intérieur une soupe bouillonne faite de crapauds, lapins et autres plantes médicinales. Les chèvres occupent la place et déambulent  placidement , un chat  passe et repasse.  On devine une jeune mère qui se repose sur une natte avec son bébé, sinon il n’y a personne. Ce monde nocturne nous enveloppe, avec au loin le bruit du chant des  grenouilles, de temps en temps le cri des pintades dans les arbres , le chevrotement des biquettes et un petit transistor égrène sa musique.  La lune est pleine comme tous les soirs de cette étrange et brillante semaine.  Nous attendons la sorcière avec sérénité. Nous ne la verrons pas car c’est toujours la nuit tombée que l’on peut tenter sa chance.  Elle arrive enfin, grande et élancée sur son  destrier motorisé. Elle nous fait  rentrer dans le cabinet des esprits et voilà ce que nous pouvons entendre: Production vocale voir Marie-Christine !!
Un jeune homme du village à côté la connait très bien la vieille femme,  il échange  avec elle inlassablement dans une langue inconnue qui nous berce et doucement, doucement nous comprenons que ce n’est pas une sorcière mais le grand médecin  des habitants du lieu et même de plus loin encore…
NB:Ce conte est en rapport avec notre visite à la guérisseuse du village de Biforo