Séminaire d’études “La médecine est-elle un art ?”
Témoignage de Laura
Première soirée au sport bar. Immergés en plein cœur d’un nouveau continent, on se retrouve après 15 heures de voyage en train de danser dans un lieu on ne peut plus local: Bonne arrivée!!
On a trouvé l’Afrique et on s’est trouvé nous-même, débarrassés de nos carcans et de nos inhibitions au travers des contacts physiques avec le corps de l’autre, au cours des exercices d’expression théâtrale et à travers la danse. S’ouvrir aux autres, être centré sur l’autre plutôt que sur soi-même. Le miracle se produit, on ose enfin, libéré de tout souci de performance.
L’immersion au cœur d’une nouvelle culture est ici très félicitante car nous sommes loin de nos cadres habituels de bonne conduite ou de bien paraître, nous sommes très loin de la peur du regard de l’autre car l’autre est ici différent soit par nature soit parce qu’il a changé.
Expérience de création chorégraphique: On joue du corps de l’autre, on le modèle, on le transforme, on lui donne une attitude puis ce faisant, on évolue autour en mobilisant son propre corps en harmonie puis la marionnette elle aussi s’assouplit et se met en mouvement. De cette manière on a pu découvrir, incrédules, un prémice de création en danse contemporaine, tous seuls comme des grands à partir de nos idées propres. De même pour l’invention de figures personnelles puis apprentissage de celles des autres puis enchaînement en groupe et en musique de toutes les figures de chacun.
Ces expériences très fortes vont pouvoir avoir des applications dans notre métier: Observer, comprendre le corps de l’autre puis mobiliser le sien pour l’accompagner au plus près.
Changements
La richesse et la diversité des sensations, les stimulations incessantes m’ont fait quelque peu perdre le sommeil, comme si je ne voulais rien perdre de l’avalanche de choses à regarder, à sentir, à entendre. Sans oublier les contacts physiques innombrables et chaleureux avec hommes, femmes, enfants et quelquefois… chèvres
Je sais maintenant qu’il existe au monde des endroits qui provoquent des métamorphoses, des révolutions personnelles, des changements en profondeur. On s’enrichit par la découverte de ce peuple, de sa façon d’échanger, de partager, d’entrer en contact, sa façon de croire, sa façon de faire la fête.
La discipline collective, cette sorte de sagesse chez les enfants puis chez les adultes qui m’avait tant émue à Nagreongo s’avère être une constante. Le grand nombre est compensé par une discipline de groupe qui fait que chacun est l’égal de l’autre et fondu dans la masse. C’est touchant car c’est d’abord l’unité du peuple qui s’exprime.
La métamorphose, je la relie autant au Burkina qu’au travail des formateurs. Je n’ai pas assez de mots pour exprimer les ressentis au cours des ateliers, en tout cas beaucoup de plaisir et de bonheur.
Ces expériences ont été inédites et n’ont pas de prix pour moi. Elle m’apportent peut-être la possibilité de ne plus fuir comme la peste les jeux de rôle dans les formations.
Elles m’apportent l’envie d’expérimenter et de réfléchir à de nouvelles approches de la relation médecin-malade.
Voir travailler les médecins burkinabés m’a redonné envie d’investir la clinique dans ma façon de travailler.
Un petit conte pour conclure.
Il était une fois un petit hameau perdu dans la brousse. Dans la nuit, une expédition s’y rendit pour rencontrer la patronne du lieu. A notre arrivée dans le noir, on devine des petites maisonnettes disposées en cercle. Au centre un grand feu s’anime au milieu de grosses pierres, un gros chaudron noir repose sur les pierres, à l’intérieur une soupe bouillonne faite de crapauds, lapins et autres plantes médicinales. Les chèvres occupent la place et déambulent placidement , un chat passe et repasse. On devine une jeune mère qui se repose sur une natte avec son bébé, sinon il n’y a personne. Ce monde nocturne nous enveloppe, avec au loin le bruit du chant des grenouilles, de temps en temps le cri des pintades dans les arbres , le chevrotement des biquettes et un petit transistor égrène sa musique. La lune est pleine comme tous les soirs de cette étrange et brillante semaine. Nous attendons la sorcière avec sérénité. Nous ne la verrons pas car c’est toujours la nuit tombée que l’on peut tenter sa chance. Elle arrive enfin, grande et élancée sur son destrier motorisé. Elle nous fait rentrer dans le cabinet des esprits et voilà ce que nous pouvons entendre: Production vocale voir Marie-Christine !!
Un jeune homme du village à côté la connait très bien la vieille femme, il échange avec elle inlassablement dans une langue inconnue qui nous berce et doucement, doucement nous comprenons que ce n’est pas une sorcière mais le grand médecin des habitants du lieu et même de plus loin encore…
NB:Ce conte est en rapport avec notre visite à la guérisseuse du village de Biforo